Le Dr Florence Dufournet, psychiatre, présente deux cas. Elle veut illustrer les limites de la classification psychiatrique classique. Elle souligne aussi l’importance d’une approche métabolique. Chacun de ces cas offre un regard différent sur la « crise » de la nosographie et sur la « crise » de la thérapie. Si vous voulez voir la conférence dans son entier cliquez ici.
Martha, 32 ans
Martha consulte pour arrêter son antidépresseur, le Zoloft. Elle en prend depuis plusieurs années. Elle se considère déprimée, mais elle a traversé plusieurs diagnostics au cours de sa vie.
Enfance et adolescence
Dès la maternelle, les enseignants la jugent « bizarre ». Martha aligne des objets, se replie sur elle-même. Un premier spécialiste évoque un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Un second parle plutôt de trouble du spectre autistique, type syndrome d’Asperger. Les parents hésitent. Les deux avis divergent. Les symptômes de Martha ne collent pas parfaitement à un seul cadre.
À l’école primaire, Martha progresse très bien sur le plan scolaire. Elle est même la première de la classe. Mais elle ne communique pas bien avec les autres. On l’isole souvent. Elle ne cherche pas à se faire comprendre. Un nouveau psychiatre la revoit. Il propose un diagnostic de TDAH (trouble déficitaire de l’attention sans hyperactivité). Martha n’a aucun traitement. Les médecins préfèrent attendre.
Au collège, la situation empire. Martha souffre d’anxiété et de phobie sociale. Les foules la paniquent. Elle se plaint de diarrhée dans les moments de stress. On parle de trouble anxieux généralisé (TAG), puis de syndrome de l’intestin irritable. Les médicaments ne sont pas instaurés tout de suite. Martha entame quelques séances de psychothérapie. Elle abandonne vite. Ses angoisses persistent.
Au lycée, Martha entre dans l’adolescence. Elle décrit des périodes de tristesse et des idées noires. Elle voit un autre spécialiste, qui évoque un trouble borderline de la personnalité. Toujours pas de traitement ciblé. Martha tente une autre psychothérapie. Elle ne s’y retrouve pas. Puis, elle passe son bac. Elle poursuit des études en informatique. Sa vie se stabilise pendant quelques années.
Dépression à l’âge adulte
Vers 23 ans, Martha sombre brutalement dans un épisode dépressif sévère. Elle perd son élan vital, n’a plus faim et broie du noir. Son psychiatre lui prescrit du Zoloft. L’effet est rapide. En quelques semaines, la dépression se lève. Au bout de six mois, elle veut arrêter ce traitement. On tente un sevrage progressif. Mais elle rechute aussitôt. Sa tristesse revient. Son malaise s’intensifie. Les idées noires réapparaissent. Le psychiatre remet alors l’antidépresseur. Martha l’accepte et ne veut plus y toucher. Deux ans passent.
Son psychiatre conclut que c’est une forme de « dépression résistante », car elle rechute dès qu’on baisse la dose. Ensuite, Martha souffre d’une symptomatologie fluctuante. Des états de tristesse chronique reviennent, malgré la prise du médicament. On parle alors de dépression résistante et chronique. Un autre spécialiste évoque un possible trouble bipolaire « distimique ».
Multiplicité des diagnostics
Martha accumule dix diagnostics différents en 32 ans : TOC, syndrome d’Asperger, TDAH, trouble anxieux généralisé, phobie sociale, syndrome de l’intestin irritable, personnalité borderline, épisode dépressif majeur, dépression résistante, dépression chronique ou bipolaire distimique. Chaque psychiatre évalue différemment ses symptômes. Chaque nouveau symptôme génère une nouvelle étiquette.
Pour le Dr Dufournet, Martha représente la crise de la nosographie. Les catégories diagnostiques ne cessent de se multiplier. Elles échouent à saisir la souffrance globale de la patiente. Son parcours thérapeutique se limite souvent à des étiquettes successives et à un antidépresseur maintenu au long cours
Catherine, 54 ans
Catherine se plaint d’une dépression persistante. Elle présente pourtant une vie sans souci particulier jusqu’à 45 ans. Les débuts de ses symptômes diffèrent totalement de ceux de Martha.
Apparition progressive des symptômes
Le trouble apparaît de manière insidieuse. Catherine ressent une fatigue matinale importante. Elle dort, mais se réveille épuisée. Elle s’agace de difficultés de concentration. Son travail en souffre. Peu à peu, elle perd l’entrain qu’elle avait pour ses loisirs. Son humeur devient maussade. Elle rumine le soir. Les idées s’enchaînent dans sa tête et retardent son endormissement. Elle décide alors de consulter un psychiatre.
Prescription de multiples traitements
Le premier diagnostic tombe : épisode dépressif. Le médecin prescrit un antidépresseur (Prozac) et un anxiolytique (Xanax). Catherine ne ressent pas de grande amélioration. Son anxiété baisse un peu, mais la fatigue persiste. Elle dort mal. Au bout de trois mois, le psychiatre remplace le Prozac par un autre antidépresseur (Deroxat). Il lui ajoute un somnifère (Imovane).
Catherine prend alors 2 kg. Elle se sent encore plus fatiguée le matin. Elle peine à se concentrer. L’ambiance au travail se dégrade. Le psychiatre prolonge le traitement et la met en arrêt maladie. Toujours pas de vraie amélioration. Il change encore de molécule et choisit l’Effexor (un antidépresseur agissant sur la noradrénaline). Catherine dort, mais la fatigue reste. Elle reprend le travail, à mi-temps. Les symptômes la rattrapent.
On ajoute alors un thymorégulateur (Dépakote). Elle prend soudain 6 kg en quelques semaines, se sent assommée et ne tolère pas ce nouveau produit. On l’arrête. Le psychiatre tente un vieux tricyclique (Anafranil). Il remplace l’Imovane par le Stilnox pour le sommeil. Les effets indésirables s’accumulent : constipation, bouche sèche, chutes de tension. Catherine abandonne ce protocole. On passe aux neuroleptiques (Risperdal). Elle dort mieux, mais elle grossit encore. On arrête le Risperdal, on passe à l’Abilify, considéré comme plus neutre pour le poids. Les kilos continuent de grimper.
En trois ans, Catherine a essayé dix molécules différentes. Elle a pris 19 kg. Un diabète de type 2 s’installe. Le diagnostic initial ne change pas : dépression résistante ou chronique. Les médecins ne remettent pas en cause l’étiquette. Ils ajoutent simplement des traitements les uns après les autres.
Le Dr Dufournet désigne Catherine comme la « patiente aux dix traitements ». Elle symbolise la crise de la thérapie. On empile des médicaments. De plus on ne résout pas la souffrance de base. On crée un surcroît de problèmes métaboliques (prise de poids, diabète, fatigue).
Une souffrance commune ?
Le Dr Dufournet insiste : malgré la différence apparente, Martha et Catherine souffrent toutes deux d’un problème central. Leur cerveau ne reçoit pas une énergie optimale. Les multiples diagnostics ou les multiples traitements restent inefficaces s’ils ne rétablissent pas d’abord un bon métabolisme.
Selon elle, la psychiatrie métabolique peut éclairer ces situations. Les cellules ont besoin d’un carburant propre : les graisses et les corps cétoniques. Le sucre est un carburant « sale ». Il génère beaucoup de radicaux libres et d’inflammation. Les patients bloqués dans une boucle inflammatoire, avec des carences, subissent parfois un « effet Warburg » au niveau cérébral. Ils ne peuvent plus utiliser efficacement leurs mitochondries. Leurs cellules manquent d’énergie durable.
Explications
À partir de ces deux cas, le Dr Dufournet explique sa démarche. Elle mène un travail de « psychiatrie métabolique ». Elle regarde de près les trois dimensions du métabolisme : le carburant (graisses ou sucre), l’accélérateur (les hormones, dont l’insuline, les hormones thyroïdiennes, stéroïdiennes) et l’entretien (vitamines, minéraux, statut inflammatoire).
Le carburant
Les graisses offrent un bien meilleur rendement énergétique que le sucre. Elles assurent des réserves quasi illimitées, car l’organisme stocke facilement les lipides et peut y puiser pendant de longues périodes. Lorsqu’il transforme ces graisses, le corps produit des corps cétoniques, qui génèrent peu de radicaux libres. Ces corps cétoniques alimentent le cerveau avec une énergie stable et propre, car ce dernier privilégie l’énergie cétonique lorsqu’elle est disponible.
En revanche, le sucre fonctionne comme un carburant d’urgence. Il se dégrade rapidement grâce à la glycolyse lactique, mais il libère plus de radicaux libres et aggrave le stress oxydant. De plus, les réserves de glycogène (la forme stockée du sucre) restent faibles et ne couvrent qu’environ 24 heures de besoins. C’est pourquoi la voie cétonique, issue des lipides, apparaît comme une alternative plus durable et moins inflammatoire pour la majorité des tissus, et plus particulièrement pour le cerveau.
L’accélérateur
Les hormones exercent un rôle central dans la régulation énergétique. Sans leur action, l’organisme ne puise pas efficacement dans ses réserves de nutriments. Lorsqu’elles se dérèglent, l’insuline peut notamment se retrouver en excès. Elle bloque alors la libération des graisses et limite l’accès à ce carburant vital.
Par ailleurs, le cholestérol s’avère indispensable, car il sert de précurseur à toutes les hormones stéroïdiennes. De même, la synthèse des hormones thyroïdiennes requiert la présence d’iode, de sélénium et d’autres cofacteurs. Sans ces éléments, le métabolisme se ralentit et l’équilibre hormonal se trouve compromis.
L’entretien (vitamines et minéraux)
La mitochondrie a besoin d’un large éventail d’enzymes et de coenzymes, telles que les vitamines B1, B2, B3 ou B6. Cependant, les formes végétales de certaines vitamines ne sont pas toujours actives pour l’organisme humain. Ainsi, lorsque l’alimentation ou l’équilibre hormonal se dérèglent, les carences s’accumulent et compromettent le bon fonctionnement métabolique.
Le Dr Dufournet insiste : ces trois volets sont intimement liés. Quand les mitochondries ne tournent plus, la fermentation lactique prend le relais. La cellule génère de l’acide lactique, de l’inflammation et un stress oxydant
Approche thérapeutique
Le Dr Dufournet préconise un bilan métabolique poussé. Elle dose les vitamines, les hormones, les marqueurs inflammatoires. Ensuite elle recherche les carences et les blocages. Enfin elle propose ensuite une prise en charge globale, incluant un régime cétogène thérapeutique si besoin. Pour certains patients, elle débute d’abord par corriger les carences. La cétose nécessite des mitochondries fonctionnelles. Sinon, on risque l’aggravation des symptômes.
Le régime cétogène thérapeutique n’a rien de nouveau, rappelle-t-elle. Les médecins l’utilisent depuis les années 1920 pour l’épilepsie réfractaire. Aujourd’hui, on l’applique aussi dans certains cancers (travaux de Laurent Schwartz), dans la maladie d’Alzheimer, dans des troubles psychiatriques résistants (notamment les recherches du Dr Georgia Ede et d’autres).
Toutefois, le Dr Dufournet veille à individualiser. Elle suit un tableau Excel avec des centaines de paramètres pour chaque patient. La psychiatre rappelle que le cerveau est composé de lipides et de cholestérol. Elle alerte sur l’excès d’idéologie anti-gras, qui compromet parfois l’apport essentiel au niveau neuronal. Toutefois elle ne rejette pas le régime végétarien par principe. Mais elle insiste sur l’importance de comprendre les risques de carences, surtout en vitamines du groupe B, en cholestérol ou en acides gras.
Évolution des deux cas
Martha
Elle souffre d’un syndrome de l’intestin perméable (leaky gut) et d’une inflammation chronique. Elle présente aussi des carences vitaminiques et minérales. Un bilan plus poussé révèle un trouble neurodéveloppemental compatible avec un syndrome d’Asperger. Le Dr Dufournet lui propose un régime cétogène thérapeutique. Elle le surveille via la mesure du taux de BHB (corps cétonique principal). En moins de trois mois, Martha ne présente plus de diarrhée. Son anxiété diminue. Elle arrête progressivement son antidépresseur. Son énergie remonte. Sa vie sociale s’améliore.
Catherine
Son bilan montre des blocages métaboliques multiples. On décèle aussi un début de thyroïdite d’Hashimoto. Catherine cumule de graves carences en nutriments. On réduit progressivement les traitements psychiatriques inutiles. On introduit un régime cétogène bien conduit. Catherine perd 10 kg en trois mois. Elle normalise sa glycémie. Son diabète de type 2 régresse. Elle retrouve un meilleur état mental et un sommeil réparateur. Les marquages par PET scan du cerveau montrent un regain d’activité. Elle n’entre pas dans une spirale neurodégénérative.
Conclusion du Dr Dufournet
La psychiatre rappelle que la souffrance psychique s’enracine souvent dans un métabolisme déréglé. La « crise » des diagnostics (nosographie) et la « crise » des traitements (empilement de molécules) montrent les limites d’une approche strictement symptomatique. Elle défend une vision intégrée de la psychiatrie. Ensuite elle préconise un retour à une alimentation plus conforme aux besoins cellulaires, une correction des carences, une gestion fine des hormones. De plus elle encourage aussi la pratique du jeûne intermittent, la réduction du stress, un meilleur sommeil, de l’exercice physique et une complémentation ciblée.
Son message : tout symptôme psychiatrique mérite un bilan métabolique. Le cerveau ne s’isole pas du reste du corps. Les mitochondries, l’inflammation et les hormones constituent le socle d’un bon fonctionnement cérébral. Selon elle, cette approche métabolique produit souvent des améliorations rapides. Elle demande toutefois rigueur, persévérance et personnalisation.
Le Dr Dufournet conclut en remerciant les organisateurs. Elle invite le public à s’informer davantage sur la psychiatrie métabolique. La psychiatre propose de combiner aliments riches en nutriments essentiels, modes de vie plus sains et moins d’ultra-transformation. Par ailleurs elle encourage les professionnels à multiplier les recherches et à écouter les patients, trop souvent ballottés entre des diagnostics contradictoires et des traitements peu efficaces.
Elle insiste : la folie du diagnostic à outrance et la folie du traitement abusif se règlent en restaurant la santé métabolique. Elle espère que cette voie novatrice aidera à réconcilier la psychiatrie avec la biologie fondamentale. Son propos vise à éveiller les consciences et à inspirer d’autres médecins.
Vous trouverez dans Le Mag du blog de Céto club un grand nombre d’articles qui abordent la santé et les effets de l’alimentation cétogène sur l’organisme.
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