L’indice glycémique, ce faux ami qui voulait bien faire
Il était une fois un chiffre, bien intentionné, un peu scolaire, un brin tatillon, qui croyait pouvoir résumer la complexité d’un aliment à un seul critère : sa capacité à faire grimper la glycémie. Ce chiffre s’appelait l’indice glycémique ou IG pour les intimes. Il débarqua dans les années 80, avec ses petits tableaux bien rangés, ses 50 g de glucides bien pesés, et son obsession du glucose pur (la base de 100, comme si tous les aliments rêvaient de devenir du sucre en poudre).
L’IG fit un tabac chez les nutritionnistes, les diabétologues puis chez les vendeurs de barres céréalières. Il avait l’air sérieux. Il disait des trucs comme « évitez les aliments à IG élevé » ou « préférez les féculents à IG bas ». Il avait réponse à tout. Mais il avait un secret : dans la vraie vie, il n’était pas très fiable. Un peu comme ces applis de rencontre où tout le monde semble charmant sur la photo jusqu’au moment du café.
Un test de labo sans amis
Déjà, pour calculer l’IG, on ne rigole pas. On prend un aliment tout seul (le pauvre), à jeun (encore plus triste) et on le fait avaler à des volontaires (des héros). Puis on mesure leur glycémie pendant deux heures. Mais qui, sérieusement, mange 50 g de glucides seuls dans un bol de lentilles tièdes, sans rien d’autre à côté, ni sauce, ni viande, ni gras, ni copains autour de la table ? Personne. À moins d’être un cobaye professionnel ou une lentille dans une autre vie.
L’illusion de la pastèque et la malédiction de la carotte
Prenons un exemple rigolo. La pastèque a un IG très élevé. Panique ! Et pourtant, pour atteindre les 50 g de glucides qui servent de base au calcul, il faut manger environ 1 kg de pastèque. Autrement dit : si tu manges une tranche, ta glycémie ne va pas s’envoler comme le tableau de l’IG le prétend. À l’inverse, la carotte cuite, régulièrement accusée à tort est aussi victime de ce biais de quantité. En gros, l’IG ne dit rien sur la portion normale. Ce qu’il faudrait, c’est parler de charge glycémique (CG), une cousine plus raisonnable, qui prend en compte la quantité de glucides réellement consommés.
Un corps, mille réactions
Mais ce n’est pas tout. Car même si on mange tous une carotte, nous ne réagissons pas tous comme des clones. Selon notre microbiote, notre sensibilité à l’insuline, notre cycle hormonal, notre niveau de stress, notre sommeil, notre dernière dispute ou notre séance de sport, la glycémie peut grimper… ou rester zen. Une étude publiée dans Cell en 2015 a montré que deux personnes peuvent réagir totalement différemment à un même aliment : la banane déclenche un pic chez l’une, un soupir chez l’autre.
Moralité : un IG « moyen » ne veut rien dire sur ta glycémie à toi. C’est comme donner une pointure moyenne pour toutes les chaussures : bon courage pour courir un marathon.
Une histoire de contexte
Un autre problème et non des moindres : l’IG oublie tout le contexte. Et c’est grave. Parce que ton corps, lui, ne l’oublie pas. Si tu es stressé, ton cortisol est haut et tu vas stocker plus. Si tu viens de marcher une heure, tu vas absorber les glucides plus facilement. Si tu es en cétose, ta glycémie réagit très différemment. Et si tu es en train de te remettre d’un week-end fromage-charcuterie-pain, ton insuline fait peut-être encore des loopings.
Bref, l’IG ne connaît pas ton histoire, ni ton foie, ni tes émotions. Et c’est dommage, parce que tout cela compte beaucoup plus que la cuisson des pommes de terre.
Des héros et des traîtres mal classés
Enfin, l’indice glycémique a un gros problème d’étiquette. Il classe certains aliments comme vertueux, juste parce qu’ils ne font pas trop grimper la glycémie… même s’ils sont un désastre à d’autres niveaux. Par exemple, le fructose a un IG très bas et pourtant, il fatigue le foie comme un vieux moteur diesel. À l’inverse, le pain complet a un IG modéré mais il stimule beaucoup l’insuline et contient du gluten, des anti-nutriments et un goût discutable. Et la lentille ? Très bien classée. Mais si tu es sensible aux lectines ou sujet aux ballonnements, ce sera une autre histoire.
L’IG est comme un prof qui noterait ses élèves uniquement sur la vitesse à courir le 100 mètres : il ignorerait leur poésie, leur asthme, leur style et leurs éventuels chevilles foulées.
Le mot de la fin
L’indice glycémique voulait aider. Il était plein de bonnes intentions. Mais il a oublié d’écouter le corps. Il a oublié que la digestion est une histoire d’équilibre, de compagnonnage entre les aliments, de contexte, d’hormones et d’émotions. Un repas, ce n’est pas un tableau Excel. C’est une alchimie. Et cette alchimie ne se laisse pas réduire à un chiffre sec sur une étiquette.
Si vous voulez vraiment stabiliser votre glycémie, évitez les sucres rapides, mangez avec plaisir, ajoutez du gras de qualité, des fibres, de la mastication et de la présence. Et si vous avez un doute, Céto Club est là pour remettre un peu de bon sens dans les assiettes.
Études
Person-specific glycemic responses to food – Cell, 2015. Une tranche de pain pour toi, c’est peut-être l’extase… mais pour moi, c’est direct un pic de sucre façon feu d’artifice du 14 juillet. Des chercheurs ont donc joué les Cupidon du glucose et créé un algorithme pour matcher ton assiette avec ton microbiote : fini les régimes “taille unique”, vive la bouffe sur-mesure !
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